Un excellent article de Jessica Rat dans Le Faso
Le sac plastique, que faire contre ce fléau environnemental ?
Partie 1 : Tour d’horizon.
vendredi 6 septembre 2013
Le sac plastique est arrivé il y a près d’un demi-siècle sur notre terre. Pure invention de l’Homme, née par procédés chimiques, il est aujourd’hui devenu un véritable fléau pour notre environnement. Voulu à usage unique, il n’est autre que l’emblème par excellence, d’une part d’une surconsommation – évidente en Occident, en augmentation dans les pays du Sud – et d’autre part d’une pollution (mondiale) que l’on essaie aujourd’hui d’inverser… Tant bien que mal.
S’il n’y a jamais eu de réel recensement, les groupes environnementaux estiment entre 500 et 1000 milliards le nombre de sacs en plastique utilisés dans le monde chaque année. Un chiffre démesuré qui traduit une équation simple : une course égale un sac plastique. Bien souvent en tout cas. Si, de temps à autres, on s’en sert pour transporter de grosses charges (révolutionnaire en son temps, le sac plastique peut en effet supporter jusqu’à 2000 fois son poids), combien de fois vous a-t-on tendu un de ces sachets pour si peu ? Au marché : une aubergine, un sac plastique. Une poignée de citrons, un autre sac plastique. A la pharmacie : une petite boîte de médicaments, un sac plastique. Chez la vendeuse de gâteaux au coin de la rue : un sachet (plastique, lui aussi), un sac plastique. Et ainsi de suite.
Que fait-on alors, de tous ces sacs en plastique, une fois leur mission accomplie ? Au mieux, on leur trouve au moins un second usage, en tant que poubelle par exemple. Au pire, ils finissent délaissés dans nos rues, nos caniveaux, nos arbres… Où ils mettront des centaines d’années à se décomposer et deviennent alors un véritable danger environnemental. Notamment, ils peuvent bloquer les systèmes de drainage et être à l’origine d’importantes inondations : c’est ainsi qu’au Bangladesh on a accusé le sac plastique d’avoir mis les deux-tiers du pays sous l’eau, à deux reprises, en 1988 puis 1998. Et lorsqu’ils ne bloquent pas les systèmes d’évacuation des eaux, voilà qu’ils finissent dans nos océans où ils représentent un danger mortel pour de nombreuses espèces marines : certaines les ingurgitent (les méprenant souvent, de par leur allure, pour des méduses) alors que d’autres s’y retrouvent simplement piégées. C’est le cas notamment de nombreuses tortues de mer, dont la survie de certaines espèces inquiète de plus en plus les associations environnementales…
« Près de 80 % des bovins tués aux abattoirs de Nouakchott [en Mauritanie] sont porteurs de sacs plastique dans leur panse »
Sur terre, et plus particulièrement sur le continent africain, où il fait souvent partie du paysage, le sac plastique est tout aussi dangereux pour nos mammifères. Rien qu’au Burkina Faso, il entraînerait la mort de 30% du bétail selon le ministère de l’Environnement. Car les bovins, tout du moins ceux élevés en pleine ville, n’ayant pas de pâturages pour brouter, les confondent également avec de la nourriture (et ce ne sont d’ailleurs pas les seuls déchets qu’ils ingurgitent au quotidien). Si bien qu’en Mauritanie, sans nécessairement en mourir directement, « près de 80 % des bovins tués aux abattoirs de Nouakchott sont porteurs de sacs plastique dans leur panse » a déclaré le ministre mauritanien de l’Environnement, Amedi Camara, selon l’Agence de presse officielle mauritanienne (AMI). Inutile de dire que ce sont ces mêmes bêtes que l’on va ensuite vendre en détail… De quoi couper l’appétit.
Aussi, face à ce constat (entre autres), la Mauritanie a-t-elle décidé de mettre un terme au fléau : depuis janvier 2013, la production, la commercialisation et l’utilisation de sacs en plastique est purement et simplement interdite sur son territoire. Egalement prise par le Mali, au même moment, cette décision drastique ne fait en réalité que suivre l’exemple… C’est en effet l’Afrique du Sud qui a été le premier pays africain à vouloir, si ce n’est bannir, au moins limiter le sac plastique sur ses terres, en 2003. Comme la plupart l’ont fait après lui, le gouvernement sud-africain a interdit les sacs de moins de 30 micromètres d’épaisseur, soit les sacs en plastique les plus fins (mais les plus utilisés) du marché, et a imposé une taxe sur les autres (plus épais et donc amenés à être réutilisés). Plusieurs pays africains lui ont ensuite emboîté le pas : à commencer par l’Erythrée et la Somalie, en 2005, puis la Tanzanie en 2006, l’Ouganda en 2007, le Rwanda en 2008, le Gabon en 2010, le Togo et le Kenya en 2011… Et prochainement la Côte d’Ivoire, puisque le décret interdisant le sac plastique devrait y entrer en vigueur le 25 novembre 2013.
L’Occident, loin d’être un exemple dans la lutte contre les sacs en plastique
Soit tant de nations qui font aujourd’hui de l’Afrique le continent le plus « répressif », dit-on, en matière de sacs en plastique dans le monde... En Asie, ils sont quatre à avoir légiféré sur le sujet. Le précurseur a été le Bangladesh, qui a donc décidé de mettre fin à son problème majeur d’inondations causées par les sacs en plastique, les interdisant totalement en 2002 – ils ont depuis largement été remplacés par des sacs de jute, 100% naturels et donc biodégradables. La même année, l’Inde a pour sa part choisi de bannir les sacs de moins de 20 micromètres d’épaisseur. Puis, en 2003, la République de Taïwan a décidé d’interdire la distribution gratuite des sacs en plastique de moins de 60 micromètres d’épaisseur, ce qui a résulté à une utilisation plus importante de sacs en papier – biodégradables, eux aussi. Et en 2008, la Chine a interdit les sacs en plastique de faible épaisseur et a imposé une taxe sur le reste, réduisant ainsi de moitié la consommation de sachets plastique dans le pays en l’espace d’une seule année.
Par ailleurs, si la toute première législation limitant (réellement) l’usage des sacs en plastique vient du Danemark – qui a imposé une taxe sur ceux-ci dès 1994 –, l’Europe a pour sa part majoritairement failli dans cette lutte. Ils n’y sont que trois autres pays à avoir également imposé une taxe sur les sacs en plastique – l’Allemagne, l’Irlande et le Pays de Galle – et un seul – l’Italie – à avoir osé l’interdiction, depuis 2011, des sacs non-biodégradables. Et s’il est un autre mauvais élève, c’est bien le continent nord-américain… Terre mère de la surconsommation, les Etats-Unis – où sont écoulés pas moins de 102 milliards de sacs en plastique chaque année selon la Commission américaine du Commerce International – n’ont de législation contraignante qu’à un niveau municipal (plusieurs villes, notamment en Californie, ont ainsi pris les devants en interdisant totalement, ou en imposant une taxe sur les sacs en plastique). Et il en est de même au Canada voisin... Alors comment expliquer que ces pays, qui semblent en tout cas consommer le plus et lutter le moins contre les sacs en plastique, restent les moins touchés par ce fléau ?
[A suivre : Interdire le sac (et autre emballage) plastique est-il la meilleure solution ?]
Jessica Rat
Lefaso.net
(Partie 2 )
Interdire le sac (et autre emballage) plastique au Burkina Faso est-il la meilleure solution ?
lundi 9 septembre 2013
Après la Mauritanie, le Mali et (bientôt) la Côte d’Ivoire cette année, le Burkina Faso envisage à son tour de bannir le sac plastique de son territoire. Le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) a en effet proposé, le mois dernier, deux avant-projets de loi : l’un porte sur une interdiction de production, d’importation, de commercialisation et de distribution d’emballages en plastique non-biodégradables, et l’autre sur l’imposition d’une taxe à l’importation et à la production de produits utilisant le plastique comme moyen de conditionnement. Mais est-ce là la meilleure solution pour lutter contre ce fléau ?
Officiellement proposé le 14 août dernier, le projet de loi portant sur une interdiction des sacs en plastique au Burkina Faso avait été annoncé depuis le mois de juillet. Et, en réalité, Salif Ouédraogo, l’actuel ministre de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD), n’a fait que poursuivre la politique souhaitée par son prédécesseur Jean Coulidiaty sur ce sujet. Après avoir effectué une opération « Zéro sachet plastique » à Ouagadougou en janvier 2012, ce dernier avait en effet avancé, cinq mois plus tard, deux solutions : l’interdiction de ces sacs ou la taxation du plastique. Soit les deux solutions aujourd’hui proposées par M. Ouédraogo… Et alors qu’il aura fallu plus d’un an, donc, au MEDD pour produire ces projets de loi, il y a toujours de quoi se demander s’il s’agit vraiment de la meilleure solution.
« Le Burkina Faso emboîte le pas à maints autres pays africains dans la lutte contre les sacs en plastique », dira-t-on. Or étaient-ils réellement le bon exemple à suivre ? Nul doute que les lois portant sur taxation des matières plastiques rapportent (beaucoup) aux gouvernements qui les ont mises en place – M. Coulidiaty avait lui-même déclaré en juin 2012 : « Si nous mettons une taxe de 30 francs CFA sur le kilo de sachet plastique, cela nous rapportera près de 180 milliards de francs CFA, et si nous mettons une taxe de 100 francs CFA sur le kilo, cela nous rapportera 600 milliards de francs CFA »… Mais ces lois, et même celles portant sur une interdiction des sacs en plastique, ont-elles effectivement permis d’enrayer le fléau des sachets noirs ? Si cela ne semble pas être le cas, c’est que bien souvent malheureusement les mesures d’interdiction ne sont pas réellement appliquées.
Les sachets « biodégradables », loin d’être la solution miracle
Pire, si elles le sont, l’interdiction ne fait généralement que laisser place aux sacs dits « biodégradables » – c’est en tout cas ce que le projet de loi burkinabè suggère en voulant interdire « les sacs et emballages plastique non-biodégradables »… Or ceux-là, pour la grande majorité, ne changent (presque) pas la donne. Car « biodégradable » ne signifie pas nécessairement « organique ». Donc, contrairement à ce que le fameux préfixe « bio » – utilisé à tout-va de nos jours – suggère, un sac plastique « biodégradable » n’est généralement pas produit à partir de plantes ou autres matières organiques, mais bien de polyéthylène (généralement d’origine pétrolière), comme tout autre sac plastique. Ce n’est qu’un additif qui le différencie du reste : souvent chimique, lui aussi, il permet une dégradation par oxydation. Et bien qu’elle soit plus rapide, certes, que le processus normal de dégradation d’un sachet plastique « non-biodégradable » – qui prend pour sa part plusieurs centaines d’années – on a tendance à oublier que cela ne se fera pas non plus en l’espace de quelques jours seulement...
Ce sont effectivement encore quelques années qu’il faut réellement au sac plastique « biodégradable » pour se désintégrer totalement, lui laissant ainsi tout le temps de nuire (presque) autant à l’environnement qu’un autre. Car combien de sachets, en l’espace ne serait-ce que d’un an, peuvent bloquer les systèmes d’évacuation des eaux, et ainsi augmenter les risques d’inondations ? Combien peuvent être sources d’eau stagnantes, soit le paradis des moustiques, et ainsi participer à la prolifération de ces vecteurs du paludisme ? Et combien seront encore ingérés par les bovins, continuant ainsi d’engendrer la mort de pas moins de 30% du bétail burkinabè ? Tout laisse à penser, en effet, qu’une loi interdisant seulement les sacs (et autres emballages) en plastique « non-biodégradables » ne permettrait pas de mettre fin au fléau. Au contraire d’ailleurs, sachant que l’utilisation même du terme « biodégradable » tend souvent à renforcer l’idée que l’on peut jeter ces déchets n’importe où…
D’autres alternatives à l’interdiction ?
Alors, faut-il implémenter une interdiction stricte de tout emballage plastique ? Ce serait l’idéal, nul doute, mais le moins probable en terme de faisabilité – il n’y a qu’à penser à tous ces sachets que l’on utilise au quotidien, pas seulement les sacs de commerce mais aussi les sachets d’eau, ceux qui contiennent le sucre, le sel et autres condiments, ceux qui recouvrent les paquets de thé ou même de lotus, ceux que l’on défait lorsqu’on déballe un nouvel appareil ménager ou électronique, etc. Néanmoins, avant de changer les normes d’emballage (internationales), il est déjà une pratique simple pour limiter les méfaits du fléau plastique sur notre environnement : promouvoir l’utilisation de sacs organiques, surtout réutilisables, de paniers ou de cabas, pour au moins restreindre l’usage des sachets en plastique dans le commerce.
En outre, pour les sacs et autres emballages plastique que l’on se voit « forcés » d’utiliser, la meilleure solution (entre-temps) n’est-elle pas simplement de ne plus abandonner ces déchets dans le paysage ? Il serait là facile de s’en prendre uniquement à la responsabilité d’un tout à chacun. Or, plutôt que de contourner le problème avec des mesures, voulues grandes mais qui n’auront probablement que très peu d’impact, ne vaut-il pas mieux s’attaquer à sa source – à savoir la gestion des déchets ?
[A suivre : « Une solution possible dans la meilleure gestion des déchets ? »]
Jessica Rat
Lefaso.net
(Partie 3 )
La solution dans la gestion des déchets ?
jeudi 12 septembre 2013
Le sac plastique représente un problème pour lequel nul n’a encore trouvé de solution miracle. L’idéal, bien sûr, ne serait autre que son éradication totale de la surface de cette terre. Mais alors que, sur ce sujet, le continent africain est qualifié du « plus répressif » – avec pas moins d’une douzaine de pays ayant déjà légiféré en faveur de son interdiction ou taxation –, il reste pourtant parmi ceux qui souffrent encore le plus de ce fléau. C’est que malgré les mesures gouvernementales prises à leur encontre, les emballages en plastique, et autres déchets d’ailleurs, continuent d’y prospérer et surtout d’y finir leur vie, à l’abandon, en pleine nature : en effet, le « fléau du sachet noir » n’est autre que la représentation la plus visuelle du non-traitement des déchets en Afrique. Aussi, puisque l’on ne peut ainsi dissocier le problème du sac plastique de celui de la gestion des déchets, Lefaso.net s’est-il entretenu avec le Docteur en Géographie Issa Sory…
Sur le papier, par rapport à d’autres capitales de la sous-région, la filière de gestion des déchets de Ouagadougou est bien structurée, affirme le Dr. Issa Sory, qui a traité le sujet en long et en large dans la thèse qu’il a soutenue en ce début d’année à l’université française Panthéon-Sorbonne. Celle que l’on a voulu surnommer « Ouaga la belle », pour justement promouvoir sa volonté d’assainissement, dispose d’une filière de gestion des déchets organisée autour d’acteurs « que l’on peut effectivement bien différencier », souligne le post-doctorant de l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP). Ces acteurs sont les « pré-collecteurs », soit des groupements d’intérêt économique (GIE) ou des petites et moyennes entreprises (PME), et les « collecteurs », représentés par les autorités municipales chargées de construire les infrastructures de collecte. Toutefois, « contrairement à ce que les autorités municipales essaient de montrer, ce n’est pas évident que notre capitale soit aussi propre que cela, comparée à d’autres », affirme-t-il.
Si la direction de la propreté de la Mairie de Ouagadougou prétendra que 76% à 80% des déchets de la capitale sont ainsi collectés chaque année, le Dr. Issa Sory assure que ces chiffres sont à revoir nettement à la baisse. D’une part parce qu’ils reposent sur le postulat que la ville de Ouagadougou produit 0,21 tonne de déchets par personne chaque année – un montant rapporté dans une étude réalisée par l’Université de Ouagadougou… en 1997. Et d’autre part : « Ce taux ne prend pas en compte la quantité des déchets existants dans la ville par rapport aux déchets enfouis. On prend généralement les déchets collectés dans la ville au cours d’une année et on les rapporte aux déchets produits dans l’année… Or avant cette année-là, les déchets existaient déjà », précise en effet Issa Sory. Et de soutenir : « J’ai d’ailleurs fait le calcul dans ma thèse, on traîne plutôt autour de 49% à 50% des déchets collectés et déversés hors de la ville ».
3 milliards investis dans une filière aujourd’hui mal organisée
Pourtant, en 2005, la ville de Ouagadougou avait bénéficié de l’aide de la Banque Mondiale pour la mise en place d’un Schéma directeur de gestion des déchets : « Il y a eu 3 milliards de francs CFA qui ont été investis pour la construction de centres de traitement et de valorisation des déchets », rappelle en effet le géographe. Si bien que l’on dénombre aujourd’hui 35 centres de collecte, répartis sur tout le territoire urbain – « hormis les zones non-loties » précise Issa Sory, ce qui crée de fait des inégalités socio-environnementales – en plus du centre de traitement et de valorisation des déchets situé pour sa part à Polesgo. « D’autres capitales de la sous-région n’ont pas bénéficié de ces ressources-là » tient-il à souligner par ailleurs, prenant l’exemple des capitales malienne et ivoirienne, « où l’on n’a pas de centre de traitement et de valorisation des déchets ». Et de déplorer que dans la capitale burkinabè, « des ressources ont été investies, mais les acteurs tels qu’organisés actuellement ne permettent pas de pouvoir évacuer les déchets hors de la ville ». Là où ça bloque ? « C’est plus au niveau de la pré-collecte, la première étape de la gestion des déchets. C’est là où il y a véritablement eu ce que l’on peut appeler la privatisation ».
Issa Sory précise en effet, qu’avant le projet de décentralisation, « des bacs à ordures étaient déposés un peu partout dans la ville. C’était un service public : la population avait le droit de venir déposer les déchets, et la municipalité venait juste pour enlever les bacs à ordures ». Or avec la construction des centres de collecte, la population n’a désormais plus le droit d’y déposer elle-même ses déchets… Dorénavant, « il faut payer une redevance pour que les déchets soient enlevés. Et c’est encore à cette étape-là que des acteurs informels viennent remettre en cause tout le Schéma directeur de gestion des déchets, en faisant ce qu’ils appellent le ‘déménagement’, soit prendre les déchets et les déposer sur les espaces vacants pour aller plus vite ». Car avec la privatisation, les acteurs de la filière des déchets pensent dorénavant plus en termes de rentabilité que d’assainissement… Puisque le pré-collecteur est payé par les ménages, « qu’il dépose les déchets sur un espace vacant ou autre, il va récupérer son argent, c’est tout ce qui l’intéresse », explique en effet Issa Sory : « Cette pratique-là, le ‘déménagement’, se fait un peu partout. Et c’est ce qui est, en partie, à l’origine de la prolifération des décharges dites sauvages dans la ville ».
Pas de recyclage possible sans une meilleure organisation de la filière
Si bien qu’« aujourd’hui, on parle de problème de sachet plastique parce que la question de la gestion des déchets reste un problème intact, un problème récurrent […] Le sachet plastique, comme bien d’autres déchets, se retrouve dans la nature parce que la filière de gestion des déchets est mal organisée », martèle ainsi le Docteur en Géographie, qui a en outre bien du mal à entrevoir une résolution prochaine de ce problème. « Parler de tri serait vraiment prêcher… Parce qu’il y a eu un projet il n’y a pas longtemps, en 2009/2010, de l’Union Européenne pour les questions de tri et autres, et les résultats ne sont pas aussi tangibles que cela », affirme-t-il même. Car selon lui, c’est seulement une fois que l’on aura résolu le problème d’organisation de la filière de gestion des déchets que l’on pourra arriver à trouver des solutions pour le recyclage de ces sachets plastique.
D’ailleurs, « il y a des mesures, ou du moins des formes de recyclage, de récupération des sachets plastique qui sont louables à Ouagadougou, qui permettent de faire des sacs et beaucoup d’autres articles qui sont très bien au niveau de l’utilisation », souligne-t-il. Avant d’ironiser : « Il y a des associations de recyclage des sachets plastique qui manquent souvent de matière première pour faire leur activité... alors qu’il y a au même moment des sachets plastique qui dérangent à un point que l’on se voit obligé de prendre des mesures pour interdire leur production ou leur commercialisation ». Quant à ces mesures justement, proposées par le ministère burkinabè de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) le mois dernier, le Dr. Issa Sory reste sceptique : « Telles que présentées et défendues aujourd’hui, j’ai l’impression que l’application de ces mesures ne va pas déroger aux règles habituelles de l’application de certaines normes au Burkina Faso... ».
Une interdiction ne peut se faire sans alternative
Le problème étant, principalement selon lui, qu’une telle mesure d’interdiction ne peut être appliquée sans accompagnement : « Si on veut appliquer la mesure de façon brute, sans une période de latence très longue, il sera difficile d’atteindre les objectifs voulus », estime-t-il en effet. « Il faut la sensibilisation, et il faut en même temps l’accompagner de mesures alternatives pour résoudre le problème », préconise-t-il en outre, « parce que si depuis longtemps, sachant l’impact environnemental de ces produits, le sachet plastique prolifère toujours dans nos villes, il faut chercher à voir quel rôle social il joue dans nos sociétés. Et pouvoir trouver des produits adaptés, capables de le remplacer ».
Soit, pour résumer : une interdiction possible des sachets et autres emballages en plastique, tant qu’elle serait accompagnée d’une campagne de sensibilisation et de mesures alternatives prévoyant leur bon remplacement – le sac plastique étant aujourd’hui, il faut bien l’admettre, ancré « dans les habitudes des Burkinabè », remarque le Dr. Issa Sory. Des mesures qui, par ailleurs, ne devraient idéalement pas empêcher de travailler à une meilleure organisation de la filière de gestion des déchets en général. Du moins si l’on souhaite que la capitale burkinabè puisse un jour réellement mériter son surnom de « Ouaga la belle »...
[A suivre : Ce qu’en pensent les Burkinabè]
Des Burkinabè se prononcent et proposent leurs solutions
vendredi 13 septembre 2013
Pour clore notre dossier consacré au sac plastique – véritable fléau environnemental, que l’on a bien du mal à éradiquer malgré les nombreuses mesures entreprises sur le continent africain –, nous sommes allée à la rencontre des citoyens burkinabè afin de recueillir leurs avis sur le sujet. Quelle est aujourd’hui l’utilité des sachets en plastique ? Que peut-on faire pour lutter contre leur impact environnemental ? Que penser des mesures proposées par le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) le mois dernier quant à une éventuelle interdiction et taxation des emballages en plastique ? A ces questions cinq Burkinabè ont bien voulu répondre…
Nul ne niera l’utilité du sac en plastique. « Oui ils sont utiles, notamment parce que des fois, si tu dois par exemple aller payer quelque chose comme du poisson frais, on ne peut pas le mettre dans un carton, ni dans un paquet… C’est toujours dans un sachet », remarque en effet Isabelle Sigouinda. Tout en reconnaissant toutefois que « c’est grave pour l’environnement, parce que ça pollue ». Aussi est-elle d’accord qu’il faille prendre des mesures contre ce fléau, à commencer par limiter leur distribution : « Par exemple si tu vas payer du savon, ils vont le mettre dans un sachet ; tu payes du Omo ils vont le mettre dans un sachet aussi. Donc pour diminuer tout ça, faudra qu’on limite l’utilisation des sachets en plastique ».
Yves Kaboré fait le même constat : « Des fois on va acheter quelque chose, ce n’est pas nécessaire de prendre un sachet plastique, mais les gens vont prendre un sachet plastique quand même. Bon, quand c’est beaucoup de choses on peut donner un sachet plastique, mais quand c’est un bidon d’eau, ou même deux, ce n’est pas nécessaire d’en prendre », estime-t-il en effet. C’est pourquoi « on pourrait diminuer leur production annuelle » selon lui, ou « augmenter le prix des sachets plastique », et pourquoi pas même « organiser des marches de nettoyage dans la ville pour ramasser les sachets plastique, de temps en temps… Ce serait pas mal ».
Dans le même esprit, Gaston Konaté propose pour sa part de « créer des associations contre la salubrité, ramasser les sachets pour les mettre dans les poubelles. Ou bien mettre des poubelles dans chaque rue. Comme ça, quand les gens utilisent des sachets, on va les jeter dedans pour ne pas que ça pollue l’environnement ». Quant à l’interdiction des emballages « non-biodégradables », qui suppose un remplacement par des sacs « biodégradables », il semble s’inquiéter : « Est-ce que ces sachets-là seront chers ? Ce sera payant, ou bien les boutiques donneront ça gratuitement ? ». Avant de reconnaître : « Si ce sont des sacs que l’on peut utiliser à plusieurs reprises, ça vaut mieux que les sachets de 25 francs que l’on utilise et puis on jette partout, c’est pas intéressant ».
Ludovic Ange Kondombo se pose également des questions quant à la mesure d’interdiction proposée le mois dernier : « Bon, étant donné que les sachets plastiques détruisent l’environnement, je pense que c’est une bonne initiative. Mais y a-t-il d’autres solutions qu’ils peuvent proposer ? Par exemple, je vais à la boutique payer quelque chose, qu’est-ce que je peux utiliser pour mettre mes produits ? ». Lui-même sait bien que des alternatives existent : « Par exemple il y a des sachets biodégradables, ou bien des papiers, que l’on peut utiliser », avance-t-il ainsi. Préconisant toutefois « d’y avoir accès facilement ; si on peut reprendre ça un peu partout sur le territoire national, ça permettra à la population de l’utiliser ».
Si elle trouve également, dans le principe, que « c’est une bonne idée », Aïssa Bajuera pense quant à elle que « ce ne sera pas possible d’interdire carrément, comme ça ». « Si on pouvait diminuer l’utilisation des sachets plastique, et diminuer au niveau de leur fabrication aussi, peut-être que ça pourrait un peu changer », préfère-t-elle ainsi avancer. Car selon elle « la population s’est habituée à utiliser les sachets plastique ». « Et à jeter ça », surtout. Aussi, même s’ils sont remplacés par d’autres plus « respectueux » de l’environnement, « il faudra qu’on sensibilise la population » propose en outre Ludovic Ange Kondombo. Et de souligner : « Car il s’agit pas non plus d’utiliser ces ‘nouveaux’ sachets et puis de les jeter, il faut aussi une sensibilisation plus grande sur le fait qu’on ne jette pas ça n’importe où ».
A lire aussi :
Le
sac plastique, que faire contre ce fléau environnemental ?
Partie 1 : Tour d’horizon.
Jessica Rat
Lefaso.net