
"Ma mère"
La librairie a fait le plein, beaucoup de monde, beaucoup de groupes d’amis, amies surtout, et l’une de ces femmes a une tête de plus que les autres. Un grand sourire aussi, un rayon de soleil noir.
Oui, c’était un livre nécessaire, dans ce moment qui a suivi la mort de sa mère, nécessaire pour la douleur, pour la colère. Pour savoir d’où l’on vient. Justement ce qu’elle avait essayé d’expliquer à des centaines de collégiens lorsqu’elle leur avait présenté le livre précédent, Danbé : intéressez-vous à vos parents, à leurs vie hors norme, à leur parcours ; oui, leur position sociale est dévalorisée dans la société actuelle, et à leur propres yeux, à de rares exceptions près comme la mère d’Aya ; osez ouvrir les yeux et voir d’où ils viennent, et le courage qu’il a fallu pour tout quitter sans espoir de retour et dans l’incertitude la plus totale sur l’issue du voyage, et même, sur son arrivée. Qui oserait le faire ?
Les femmes surtout. Aya leur rend hommage à travers sa mère. Femmes d’Afrique, tenaces, endurantes, fières, piliers de la famille. Oh pas tendre parfois, et les empoignades entre la mère et la fille sont épiques ; Aya cite sa mère, en bambara car c’était son plus clair moyen de se faire comprendre et obéir de ses enfants, et le traduit au plus près, sans fioritures littéraires. Insultes comprises.
Aya dit le conflit intime de sa mère, son attachement aux coutumes et à la communauté, même sans rien en retour, ou pire ; son déchirement de voir ses valeurs se diluer, sans que rien de bon ne semble venir de cette société dans laquelle elle a été débarquée à la va-vite, et vers laquelle ses enfants s’échappent ; rien de bon, voire le pire, pense-t-elle sur la fin de sa vie. Colère. Mais elle s’accroche, elle tient bon, et elle démontre ce qu’elle attend de ses enfants : se suffire à soi-même, s’assumer, contre vents et marées, surtout contre les préjugés. Même les siens : Quoi la boxe ? Et puis elle soutiendra sa fille dans ses choix … Comment, pas encore d’enfants ? Quoi, déjà un enfant ? La France ? Jamais… mais elle finira par la vouloir, la nationalité.
Universalité, voilà le message. Qui dans la salle n’a pas reconnu les siens ce soir là : immigrés d’Afrique ou d’ailleurs, enfants ou petits enfants d’immigrés, dont les parents ou grands-parents sont restés trop pudiques, ou même pas immigrées mais filles de leur mère ?
Merci Aya.
On te souhaite, et au public, de belles soirées de débats comme celle-là.
(extraits)
Aya Cissoko - N'ba - Librairie L'Atelier... par mali-pense