On retrouve ce proverbe (n°371) dans Sagesse bambara : Sàya man gɛ̀lɛn fɔ : ’Jɔn bɛ n kɔ ?’
La mort n’est pas pénible, si ce n’est : ’Qui ai-je laissé après moi ?’ La mort est d’autant plus triste qu’il n’y a personne de valable pour s’occuper de la famille.
Ou pis encore s’il n’y a pas de descendance.
Père Charles Bailleul, SAGESSE BAMBARA, proverbes et sentences, éditions DONNIYA, 2005, Bamako, Mali www.bamanan.org
Toutes les société humaines ou presque ont du mal à affronter cet épisode de la vie : la mort.
L’une des conséquences de cette difficulté, c’est que la plupart essayent d’éviter d’avoir à prononcer des mots comme "mort" ou "mourir". On les remplace par d’autres mots ou expressions, dans l’espoir d’apaiser la morsure de la réalité. On a donné ici quelques unes de ces expressions. Vous en entendrez probablement d’autres sur le terrain
Cette expression qui signifie mot à mot "entre la fermeture de l’oeil et son ouverture" peut se rendre en français par l’expression "en un clin d’oeil". On dit aussi en bambara yɔrɔnin kelen, soit "un seul tout petit espace", qu’on peut rendre en français par une formule comme "l’espace d’un instant".
Voici une de ces expressions fréquemment utilisées où le verbe sɔ̀rɔ est utilisé dans une construction qui sert de conjonction. Dans le cas qui nous occupe, "il se trouve que", "or", "à ce moment", "à l’instant même", fait référence à un événement qui avait pu être anticipé au moment de l’action dont il est question. En français, on exprimerait la subordonnée qui suit ò y’à sɔ̀rɔ par un plus-que-parfait :
Àli donna. Ò y’à sɔ̀rɔ Fantà bɔra. Ali entra.
À cet instant, Fanta était sorti.
On peut combiner cette expression avec tùma min :
Mobili ̀ jɔra tùma min, ò y’à sɔ̀rɔ Baba panna ka jìgin.
Au moment où la voiture stoppait, à l’instant même, Baba avait sauté.
Pour dire "N jours (ou minutes, semaines...) après X (un évènement)" en bambara, on peut s’y prendre de bien des façons. La construction de base est la suivante :
dama, ou danma "le nombre" et damadɔ "quelques, plusieurs" : ces mots sont utilisés dans de rares cas bien définis en B-M-D. Dans le bambara de Bamakɔ, dama n’est utilisé que dans des phrases négatives ou interrogatives :
N t’ò dama dɔn.
Je ne sais pas combien / Je n’en connais pas le nombre.
.
Mɔ̀gɔ ̀ minw bɛ so ̀ kɔnɔ, i b’ò dama dɔn wà ?
Les gens qui sont dans la maison, sais-tu combien ils sont ?
L’usage est d’écrire damadɔ en un seul mot et non dama dɔ : dans cette construction il a en effet un rôle un peu différent et fonctionne comme un quantifieur, il implique un nombre, indéterminé, mais un nombre seulement :
Cɛ̀ damadɔw bɛ yàn.
Un certain nombre d’hommes sont ici.
Ce qui est très différent de dɔw tout seul, qui n’évoque que l’indéfini :
Cɛ̀ dɔw bɛ yàn.
Certains hommes sont ici.
Ni damadɔ ni dama ne peuvent être utilisés pour des masses ou des choses non dénombrables (du mil, du riz...). Dans ces cas-là, pour exprimer une notion de "quantité" on utilisera plutôt le mot hàkɛ "la mesure" :
Ji min bɛ yɛ̀n, n t’à hàkɛ dɔn.
L’eau qu’il y a, je n’en connais pas la quantité / je ne sais pas combien il y en a.
Chez nous,on laisse parfois à nos interlocuteurs le soin de comprendre des détails qui ne sont pas vraiment exprimés. On fait ça dans toutes les langues mais pas toujours de la même façon.
Par exemple le bruit : on pourra dire "j’ai entendu le voleur dans la cuisine". En réalité on n’a pas parlé avec le voleur, on a juste entendu le bruit de ses pas, ou des objets qu’il a pu heurter. En bambara, dans ce cas là, on ne laisse pas à ses interlocuteurs le soin de deviner, on précise toujours à l’aide du suffixe -kan "le bruit de, le son de" ("la voix de"… étymologie : le cou), que l’on attache à l’objet qui a produit le bruit :
N y’à sènkan mɛn.
J’ai entendu le bruit de ses pas.
N y’i ka ɲɛnajɛkan mɛn.
J’ai entendu le bruit de la fête.
Tulonkan bɛ Baba tɔɔrɔ.
Le bruit des jeux énerve Baba.
8. À propos des verbes de déplacement
Les verbes caractérisent des actions. Parmi ces actions, certaines sont des déplacements d’un endroit à un autre, d’autres sont des changements d’état, mais non de lieu, par ex. :
rouler est un verbe de déplacement.
X a roulé de Y à Z.
casser est un verbe de changement d’état
X a cassé Y.
ou bien : Y s’est cassé
mais pas : X a cassé de Y à Z.
Les verbes de déplacement en bambara ne sont pas forcément les mêmes que les notres.
On peut les définir en bambara comme les verbes dont la fin de la phrase, derrière le verbe, dans la séquence circonstancielle avec postposition, par exemple X la, ou X kɔnɔ, s’interprète comme le point de départ ou le point d’arrivée de l’action.
On dira qu’un verbe n’est pas un verbe de mouvement si cette séquence circonstancielle définit seulement l’endroit où l’action se déroule :
À bɔra so ̀ kɔnɔ.
Il est sorti de la maison (où la maison est le point de départ)
À dònna so ̀ kɔnɔ.
Il est entré dans la maison. (la maison est le point d’arrivée)
À sìgira so ̀ kɔnɔ.
Il s’est assis dans la maison (la maison est l’endroit où l’action se déroule).
Beaucoup de verbes qui, en français, se comportent comme des verbes de déplacement (on dit aussi "de mouvement" mais c’est plus vague), comme courir, sauter, ne sont pas considérés comme tels en bambara ; en fait on en trouve beaucoup moins en bambara. Les seuls verbes de déplacement en bambara sont au nombre de 6 :
taa
aller
nà
venir
se
arriver
bɔ
sortir
jìgin
descendre
yɛ̀lɛn
monter
Si l’on veut exprimer le déplacement avec un verbe qui n’est pas un verbe de déplacement, on doit le combiner :
À bòlila kà taa làkɔli la.
Il a couru pour aller à l’école.
Ou : il est allé à l’école en courant.
làkɔli la est le groupe circonstanciel indiquant le point d’arrivée, qui fonctionne avec le verbe de déplacement taa.
à comparer avec :
A bòlila làkɔli la
Il à couru à l’école.
C’est à dire : Dans l’école, il a couru.
par exemple à l’occasion d’une compétition dans la cour de l’école.
làkɔli la est le groupe circonstanciel qui ici indique l’endroit où se déroule l’action, qui fonctionne avec le verbe de non-déplacement bòli.
autres exemples avec le verbe pan "sauter" :
À panna kà jìgin.
Il a sauté en bas.
À panna kà yɛ̀lɛn.
Il a sauté en haut.
À panna kà bɔ.
Il a sauté dehors.
Cet exemple illustre bien le fait que
– le verbe "sauter" en français est un verbe de déplacement : il peut être suivi d’une destination comme "en haut", "en bas", "dehors"
– il peut être exprimé en bambara en le combinant avec l’infinitif d’un verbe de déplacement qui convient à la direction du déplacement. On peut dès lors préciser aussi un point d’arrivée ou de départ :
À panna kà jìgin dìngɛ ̀ kɔnɔ.
Il a sauté en bas dans le trou.
À panna kà yɛ̀lɛn sǒ ̀ balan.
Il a sauté en haut, à cheval.
À panna kà bɔ bùlon ̀ kɔnɔ.
Il a sauté en dehors de l’antichambre.
Comme en français on évitera les tautologies "monter en haut", "descendre en bas", "sortir dehors" etc...
Daɲɛsɛbɛn
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